De l'Électrium aux sommets : une trajectoire qui défie la gravité

Imaginez un instant. Vous êtes guide dans un musée consacré à l'électricité, expliquant aux visiteurs comment fonctionne une ampoule ou un circuit électrique. Vingt-sept ans plus tard, vous dirigez l'une des plus grandes sociétés d'État du pays, avec 100 milliards de dollars d'actifs sous votre responsabilité. Non, ce n'est pas le pitch d'un film hollywoodien improbable – c'est l'histoire vraie de Claudine Bouchard !

Entrée chez Hydro-Québec il y a près de trois décennies comme simple guide à l'Électrium, le musée de la société d'État à Sainte-Julie, Claudine Bouchard a gravi les échelons avec une énergie qui aurait pu alimenter quelques turbines. Du centre d'appels aux communications internes, puis au réseau de distribution et aux infrastructures – son parcours ressemble à un circuit électrique parfaitement conçu, où chaque expérience alimente la suivante.

Titulaire d'un baccalauréat en biophysique de l'Université de Montréal et d'une maîtrise en administration des affaires (MBA) de l'UQAM, elle incarne la réussite par le mérite et l'expertise. Sa nomination rompt avec une tendance de plus de deux décennies : il faut remonter à 2005, avec Thierry Vandal, pour retrouver un PDG issu des rangs internes d'Hydro-Québec.

La femme qui a dompté La Romaine

En 2022, alors que beaucoup se demandaient encore si une femme pouvait diriger des projets d'infrastructure colossaux, Claudine Bouchard répondait par les actes en menant à terme le chantier titanesque du complexe hydroélectrique de La Romaine, sur la Côte-Nord. Un projet à 7 milliards de dollars livré dans les temps et selon les budgets prévus.

Cette réalisation majeure l'a propulsée en 2023 au poste stratégique de vice-présidente exécutive et cheffe de l'exploitation et des infrastructures. Un titre si long qu'il ne tenait probablement pas sur sa carte de visite.

Une PDG qui connaît le prix d'une ampoule

Ce qui distingue fondamentalement Claudine Bouchard de ses prédécesseurs, c'est qu'elle a vécu Hydro-Québec de l'intérieur, depuis ses fondations jusqu'à son sommet. Là où Michael Sabia, Sophie Brochu et Éric Martel ont dû s'approprier la culture et les spécificités de l'entreprise, Mme Bouchard pourrait dessiner les yeux fermés le plan du réseau électrique québécois – et probablement indiquer où se trouve la machine à café dans chacun des 350 bâtiments de la société.

Cette conscience aiguë des réalités du terrain lui confère une légitimité rare auprès des 20 000 employés de la société d'État. Décrite comme une "leader visionnaire et stratégique" dans le communiqué officiel d'Hydro-Québec, elle est reconnue comme une gestionnaire chevronnée, proche de ses équipes, avec une approche axée sur les résultats.

Une vision pragmatique pour un service public essentiel

Si Claudine Bouchard dirige aujourd'hui une société d'État, son approche reste profondément ancrée dans la mission de service public d'Hydro-Québec. Face aux défis colossaux qui l'attendent, elle déploie une vision pragmatique qui allie innovation et responsabilité sociale – un équilibre qui pourrait bien être sa plus grande force.

Cette capacité à penser "hors du réseau" s'est déjà traduite par des résultats concrets. Sous sa direction, Hydro-Québec a réduit de 50% le nombre de pannes en 2024 par rapport aux années précédentes. Un exploit qui témoigne d'une approche pragmatique et innovante de la gestion des infrastructures, mais surtout d'une attention particulière aux besoins quotidiens des Québécois.

Des leçons de leadership à 100 milliards de dollars

Le parcours de Claudine Bouchard regorge d'enseignements précieux pour tous. Premier d'entre eux : la connaissance approfondie de son domaine est un atout inestimable. Après 27 ans à explorer tous les aspects d'Hydro-Québec, elle possède une compréhension intuitive de l'organisation qui lui permet d'identifier rapidement où se trouvent les opportunités d'amélioration.

Deuxième leçon : l'importance de bâtir des équipes diversifiées et complémentaires. Dans un projet comme La Romaine, le succès vient de cette capacité à faire travailler ensemble des profils très différents vers un objectif commun.

Enfin, sa trajectoire illustre parfaitement la valeur de la persévérance et de la patience stratégique. Le succès ne vient pas du jour au lendemain, mais se construit patiemment, année après année, à force de travail et de détermination.

La transition énergétique : un défi collectif pour le Québec

Le grand défi qui attend Claudine Bouchard est de mener à bien l'ambitieux plan d'action de 100 milliards de dollars visant à augmenter la production d'électricité de 10 000 mégawatts d'ici 2035, et à la doubler d'ici 2050. Un objectif colossal qui s'inscrit dans la transition énergétique du Québec.

Cette transition représente un défi collectif majeur. Le Québec a tous les atouts pour devenir un leader mondial de l'énergie verte, avec son électricité propre, ses talents et ses institutions de recherche.

La qualité de service : une priorité absolue face aux intempéries

Dès sa nomination, Claudine Bouchard a placé l'amélioration de la qualité du service au cœur de ses priorités. Une approche qui témoigne de sa compréhension profonde du rôle essentiel d'Hydro-Québec dans la vie quotidienne des Québécois, particulièrement lors des événements météorologiques extrêmes qui se multiplient.

Ces dernières années, le réseau électrique québécois s'est montré de plus en plus vulnérable face aux caprices de Dame Nature. Les tempêtes de verglas, les vents violents et les épisodes de neige lourde ont provoqué des pannes majeures affectant parfois plus de 100 000 clients simultanément. L'hiver 2024 a été particulièrement éprouvant avec trois tempêtes successives qui ont laissé des centaines de milliers de foyers dans le noir et le froid pendant plusieurs jours.

Face à cette réalité climatique, Claudine Bouchard a lancé un vaste programme de renforcement des infrastructures. "Nous devons adapter notre réseau à la nouvelle réalité climatique", a-t-elle déclaré lors d'une conférence de presse en mars dernier. Ce programme comprend l'enfouissement stratégique des lignes dans les zones les plus vulnérables, le renforcement des poteaux et des pylônes, ainsi qu'une gestion plus agressive de la végétation aux abords des lignes électriques.

Cette obsession de la qualité se traduit par des investissements massifs : entre 45 et 50 milliards de dollars d'ici 2035 pour renforcer la fiabilité du réseau. Un investissement colossal qui témoigne de l'ambition de la nouvelle PDG de faire d'Hydro-Québec un service public exemplaire, capable de résister aux assauts de plus en plus violents de Mère Nature.

L'équilibre délicat entre développement et accessibilité

Le grand dilemme auquel fait face Claudine Bouchard est celui que connaissent tous les dirigeants de services publics : comment développer massivement les infrastructures tout en maintenant des tarifs abordables pour tous les citoyens ?

La mission d'Hydro-Québec n'est pas de maximiser les profits, mais de maximiser les bénéfices pour la société québécoise. Cela signifie trouver cet équilibre délicat entre investissements massifs et contrôle des tarifs, dans un contexte où l'électricité est devenue une nécessité absolue.

Un symbole de méritocratie qui inspire

Dans un monde où les nominations aux plus hauts postes sont souvent le fruit de réseaux d'influence et de parcours élitistes, l'ascension de Claudine Bouchard représente un symbole puissant de méritocratie. De guide de musée à PDG d'une entreprise gérant des actifs de 100 milliards de dollars, son parcours démontre que le talent, la persévérance et l'expertise peuvent encore tracer une voie vers les sommets.

Sa nomination envoie également un message électrisant aux 20 000 employés d'Hydro-Québec : les portes de la direction générale leur sont ouvertes. Une source de motivation qui pourrait s'avérer précieuse alors que l'entreprise s'engage dans une transformation majeure de son modèle énergétique.

Les défis environnementaux au cœur des préoccupations

Au-delà des questions économiques et techniques, Claudine Bouchard devra également faire face à des défis environnementaux majeurs. Comment développer de nouvelles infrastructures énergétiques tout en minimisant l'impact sur les écosystèmes ? Comment concilier les besoins énergétiques croissants avec la protection de la biodiversité ?

Ces questions sont d'autant plus complexes que les projets hydroélectriques touchent souvent des territoires autochtones, nécessitant des partenariats respectueux avec les Premières Nations. La sensibilité de Claudine Bouchard à ces enjeux, démontrée lors du projet La Romaine, sera un atout précieux.

Une vision pour l'avenir énergétique du Québec

La transition énergétique que doit piloter Claudine Bouchard est un projet de société qui redéfinira le Québec pour les générations futures.

Sa vision dépasse les considérations à court terme. Il s'agit de positionner le Québec comme un leader mondial de l'énergie propre et de contribuer à la lutte contre les changements climatiques.

Un défi à la hauteur de son parcours exceptionnel, qui pourrait faire de Claudine Bouchard l'une des figures marquantes de l'histoire énergétique du Québec.