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Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.

ISABELLE NEASSENS

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© John Londono

Le Déjeuner des Canotiers d’Auguste Renoir, c’est Cassis Monna & Filles en peinture. L’entreprise chérit cette atmosphère guinguette de rencontres et de plaisirs, ravive un lieu battu par les vents du fleuve, sublime un petit fruit noir et surtout, célèbre une famille. Un legs que les filles ne veulent pas figer dans le temps.


Léguer sa passion… un exercice de confiance


« Le transfert a pris des années, révèle Anne Monna. Le passage a été inconfortable pour nous tous ». Même dans les meilleures familles, les conflits usent. Qui plus est, lorsqu’il est question de son bébé, de son projet de vie. Père fondateur, Bernard Monna est un agriculteur et un artisan issu d’une lignée de liquoristes français qui avait la passion du cassis au ventre lorsqu’il est arrivé au Québec dans les années 1970. La gadelle noire pousse bel et bien sur les terres de Félix Leclerc et l’homme a du flair. Il sera le premier à l’importer, la cultiver et la transformer. C’est tout un héritage qu’il laisse à ses filles, « un lieu extraordinaire, des produits réputés internationalement, et un côté artisanal authentique comme nul autre », déclare Anne.


Sentant l’appel du retour au mode de vie qu’elle avait connu sur l’île, l’aînée a quitté Montréal pour revenir prêter main-forte à son père en 2002. Avec son « copain cuistot », elle fait vivre le charmant bistro saisonnier  qui met en valeur la production de cassis avec des produits dérivés.



Ce sera La Monnaguette, un clin d’œil aux guinguettes françaises à la Renoir. L’année suivante, Anne s’est jointe à eux. « On a toujours donné un coup de main ici et là depuis qu’on est petites, se souvient la plus jeune soeur. On suivait mes parents sur le terrain, on jouait au magasin. Mon père opérait la cabane à sucre; il cultivait des asperges, et ma mère, des roses. On était habituées à ça, entourées de projets pour vivre de la terre. Mais là, on a travaillé fort, sans aucun investissement ». Peut-être son père voulait-il tester leur ambition? « Il était hors de question pour lui de faire construire une porte, alors on passait par la fenêtre. On habitait au-dessus et on partageait la salle de bains avec les clients. Quels beaux souvenirs! On a vraiment pris le goût d’être nos propres patrons ».




Un long processus de transfert


Un projet qui n’était que le début de la passation de l’entreprise. « C’était notre frère qui devait assurer la relève, mais sa personnalité détonnait trop avec celle de notre père, précise Anne. Avec le temps, il a fallu qu’on mette la main à la pâte ». Alors que l’aînée s’impliquait davantage dans la production, la benjamine mettait sa touche dans le resto et le décor. « Ce n’était pas évident pour ma sœur, il n’était pas forcément le meilleur pédagogue pour transmettre son savoir. C’est tout un personnage mon père !» Anne se souvient, sans amertume:  « Ça a été des années difficiles. Il faut dire qu’il entretenait encore une image précise de ses rêves. On arrivait avec nos grandes idées! Catherine et moi, heureusement, on était solidaires pour mettre notre vision de l’avant ».




C’est lorsqu’elles se sont fait accompagner professionnellement et personnellement par l’Union des producteurs agricoles (UPA) dans une démarche de relève, notamment avec  des tests de personnalité que la vision s’est éclaircie: « Identifier nos valeurs, se poser les bonnes questions par rapport à ce qu’on voulait dans nos vies, ce qui nous motivait vraiment, a été un exercice incontournable pour avancer », raconte Anne, heureuse d’avoir pu mettre cartes sur table.




© Catherine Côté

L’accompagnement est pour les filles une clé de la réussite. Elles continuent d’ailleurs à se faire coacher, mentorer et former, notamment en gestion de conflits, en communication consciente et en ressources humaines.

Le processus de transfert s’est étiré sur une dizaine d’années. « On tournait en rond avec les notaires et les fiscalistes, on n’avait pas de sentiment d’urgence. Mon père ne devait pas être si pressé de prendre sa retraite officielle et de laisser aller entièrement le contrôle de son bébé ». Les copropriétaires depuis 2005 sont devenues officiellement majoritaires en 2015 quand elles ont pris un engagement financier important pour des agrandissements majeurs. « Nous transformions et développions déjà l’entreprise à temps plein depuis un bon moment, mais il a fallu régler le dossier à ce moment-là ».




Préserver la tradition


«  Je me souviens qu’au départ, on a commencé par renommer l’entreprise et refaire l’image de marque, parce qu’on voulait conserver l’image artisanale et que ça nous représente toutes les deux, explique Anne. On a été parmi les premières entreprises à afficher une image de marque soignée à l’effigie des produits du terroir ». Une démarche qui a surtout permis aux sœurs d’assurer la cohésion de l’entreprise autour des valeurs de la famille, de l’audace et de l’authenticité.




© Francis Fontaine

« Ce que notre père nous a apporté, au-delà du magnifique terrain de jeu, c’est son esprit créatif et libre, souligne Anne avec émotion. On a baigné dans les arts, on a été nourri par de grandes idées. C’est important pour nous de continuer à faire les choses différemment ».

Amener l’entreprise artisanale à un autre niveau tout en préservant son identité reste un défi pour la croissance. Depuis qu’elles sont à la barre, les sœurs ont réussi le pari et enregistré plus de 400 % d’augmentation de leur chiffre d’affaires. Au café-terrasse qui surplombe le domaine se sont ajoutés au fil du temps la crèmerie artisanale, la boutique et le salon de dégustation à même la cave à vin et l’économusée divisé en stations; la grange ancestrale a subi une cure de rajeunissement pour accueillir la cuverie et les visiteurs. Des projets de micro-distillerie artisanale flottent dans l‘air.






© Virginie Gosselin

À chacune son champ… d’expertise


« Si ça n’avait pas été ma sœur, je ne sais pas si je serais passée au travers, confie Anne. Aujourd’hui encore, on se confronte, on se remet l’une et l’autre en question constamment. Parfois, c’est même plus difficile qu’avec mon père, mais c’est ce qui nous fait avancer, c’est un gage de succès ».


Pour ne pas tomber dans la microgestion et jouer dans les platebandes de chacune, elles se sont réservé des champs d’expertise qui leur correspondaient naturellement. « Pour moi, ce sont les ressources humaines, la vente, le marketing, et l’expérience client. Pour Catherine, la production et la distribution ». Prochaine étape? Le développement des marchés extérieurs. Les filles Monna sont sur leur lancée!

Les yeux brillants, Anne souligne l’évolution des témoignages depuis qu’elle et sa sœur sont à la tête de l’entreprise.

« Avant, les gens disaient qu’on était chanceuses d’avoir un vignoble, que c’était comme un conte de fées. Ils ne voyaient pas le travail derrière, et c’est tant mieux, c’est signe qu’on réussissait. Ensuite, ils disaient que notre père devait être fier de nous. Aujourd’hui, ce qui me touche profondément, c’est quand les gens nous disent qu’ils sont tellement fiers de ce qu’on a accompli ».

Reprendre l’entreprise familiale : les filles Monna revampent le cassis

2021-04-16

ISABELLE NEASSENS

7 minutes

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Les sœurs Monna mènent la barque d’une entreprise familiale de l’île d’Orléans depuis qu’elles sont dans leur vingtaine. Du paternel fondateur à la fratrie, la route cahoteuse du repreneuriat a laissé des cailloux dans les chaussures. Anne Monna et sa sœur Catherine en ont eu les pieds meurtris, mais elles sont maintenant prêtes à marcher des kilomètres.


À PROPOS DE L’AUTEUR(E)

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