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Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.
ISABELLE NEASSENS
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Sweet love
Rien ne prédisposait l’ingénieure de Tarma et l’informaticien de Montréal à se rencontrer, encore moins à se lancer dans le chocolat. La rencontre fut fortuite, un soir d’automne 2007 dans un café bar de Cusco. « Quieres bailar? » (tu veux danser?) , a osé Elfi. « Enchanté » lui a-t-il a répondu, sans comprendre… Elle est retournée s’asseoir, gênée, déconfite. Mais il est revenu à la charge, et depuis, ils ne se sont plus quittés des yeux. Une année plus tard, Maxime faisait le grand saut à Lima. Et une de plus, Elfi enjambait les Amériques à son tour.
Elle a appris le français en un temps record et a obtenu une mention d’excellence à sa maîtrise en génie industriel de l’école Polytechnique. Il a mis en poche son MBA. La voie était pavée. Ils avaient de bons emplois, ils voyageaient, ils parlaient de réaliser un jour un projet fou ensemble, sans limites. Quand ils racontent leur histoire, ils se regardent, amoureux.
« Je pensais faire quelque chose qui me tienne connectée au Pérou, avoue Elfi, nostalgique. Mais ce n’était pas clair. De la consultation en génie? Une entreprise de transport? »

L’appel du cacao
« C’est Maxime qui m’a fait découvrir le chocolat, dit-elle en riant. J’avais 24 ans ! Au Pérou, on n’en consomme pas vraiment ».
Alors ils dégustent. Toutes sortes de tablettes. « On en mangeait de partout dans le monde » ! Un jour, ils tombent sur une boîte de pastilles de la plantation Alto el Sol. «C’est à trois heures de chez toi au Pérou. On y va ! » annonce le jeune homme.
En 2014, le couple visite cette communauté de producteurs de cacao de l’est des Andes. Ils découvrent vite que tous les plants sont achetés par les États-Unis et le fabricant Barry Callebaut. « Tout ça, c’est vendu, nous ont-ils annoncé. Si vous voulez du bon cacao natif ancestral, il en reste encore un peu, mais plus beaucoup »… Il n’en faut pas plus pour allumer l’étincelle.
Faire du business avec amour
De retour à Montréal, le couple se lance dans des recherches. Au même moment, Elfi perd son emploi ; l’entreprise choisit de sous-traiter en Indonésie et en Chine. « Cette façon de faire m’a rendu amère ». Mais son mari, à l’écoute de la formidable synchronicité, n’hésites pas à l’encourager. « C’est le moment de se lancer »! Pour ces deux professionnels de cœur, il existe d’autres façons de faire des affaires, et tous les signes convergent. « C’est pour ça que je l’adore », partage-t-elle avec un large sourire.

2016. Le salon du cacao à Lima. La première brique dans l’engrenage. La jeune femme Péruvienne séduit. À l’aise comme un poisson dans l’eau, elle commence à se faire des contacts. Elle rejoint l’équipe de chocolatiers qui part en prospection sur la route du cacao. « Sans n’avoir jamais confectionné une seule tablette de chocolat!», claironne son mari gaiement. « Au Pérou, pour faire du business, il faut entretenir de vraies relations de confiance. Et c’est ce qu’on a réussi à faire. J’ai rencontré les premiers producteurs de cacao avec lesquels on allait travailler. Sept ans plus tard, ils sont devenus nos amis ».
Peu de chocolatiers peuvent se vanter de faire affaire directement avec les cultivateurs. « La plupart disent qu’ils font du commerce direct, mais ce n’est pas le cas. Dans la réalité, ce sont des brokers qui font l’intermédiaire. Ils proposent de bons échantillons puis achètent des lots de plusieurs tonnes, de qualité variable. Souvent aussi, ils mélangent les origines. En six ans, on a dû croiser tout au plus deux ou trois chocolatiers dans les plantations! À l’inverse, on va chez nos petits producteurs deux fois par année. Ils nous réservent des micro-lots particuliers. On goûte, on sélectionne nos fèves. On en connaît seulement un autre qui fait comme nous. Malgré tout ce qu’on entend, réellement faire du bean to bar, c’est vraiment très rare dans le milieu ».

Du chocolat et des médailles
Comment distinguer une bonne fève d’une autre? « Ça se sent ! » dit Elfi en pointant son nez. L’aspect physique aussi, et le goût, évidemment. « Mais même à cette étape, la plupart recherche le chocolat de leur enfance. Alors, ils trouvent les fèves trop acidulées et ils font sécher davantage ou fermentent plus longtemps. Ça finit par goûter le yogourt! Quand je recherche quelque chose, je n’ai pas ce point de repère. Il faut que ça soit différent, authentique. J’accepte la fève citrique de Piura. Ce cacao ne sera jamais un chocolat de Pâques. J’aime la fève la plus proche de sa nature, aux notes de dégustation de pamplemousse, de lime et de pollen. Ou le cacao chuncho qui pousse dans les altitudes du Macchu Pichu, avec ses notes de bleuet et de cassis et son envolée florale de lys et de lilas ». Elfi et Maxime sont devenus fins connaisseurs.

Leurs premières tablettes, ils les ont confectionnées dans leur cuisine cette année-là. Expérimentation 101. Puis ils sont partis les vendre au marché de Noël. Quelques semaines plus tard, en janvier 2017, ils fondaient la compagnie Qantu.
« On s’est dit que ce serait une bonne idée d’envoyer des échantillons dans un concours international, dans le but d’avoir du feedback. On ne s’attendait à rien du tout. En mai, les résultats annonçaient qu’on avait gagné deux médailles d’or et une médaille d’argent avec nos trois premières tablettes à vie » !
Ils étaient dans la bonne direction. En panique, ils ont loué un local, commandé du cacao, acheté plus d’équipement pour satisfaire les commandes qui fusaient de partout. « On n’avait pas de véritable emballage, pas de local, pas de site web. On avait juste un petit broyeur de trois kilos! En l’espace de quelques mois, on s’est organisé. On travaillait quatorze heures par jour. »
En 2018, les entrepreneurs passionnés renvoient six tablettes au concours de l’Academy of International Chocolate Award. « Quel stress cette fois-ci », avoue Maxime. Résultats : cinq médailles d’or et une d’argent! Les chocolatiers les plus médaillés parmi les 1200 échantillons venus de 45 pays. Cela allait de soi, ils iraient à Londres à la cérémonie de remise des distinctions. Le grand prix, le Golden Bean Award, serait révélé à ce moment-là. « Nous avons deux ex æquo, mais ça tombe bien puisqu’ils ont été fabriqués par le même chocolatier : Qantu! »

« C’était pour nous le signe que l’on faisait bien les choses, et on continue sur cette lancée ». Qantu a des points de vente ici, en France et jusqu’en Chine, près de 150 aux Etats-Unis. Plusieurs restaurateurs se sont aussi entichés de leurs produits. Ils ont des employés, un nouveau local, plus d’équipements. Ils font encore des choses à la main, dont la sélection attentive des grains et une partie du vannage. Ils ont mis à profit leurs cordes pour augmenter la productivité en automatisant ce qui ne change pas la valeur comme l’emballage, la torréfaction, le raffinage à la pierre (plutôt qu’au métal), le tempérage et même le moulage. Depuis le mois d’octobre, tous les samedis, il y a des visites à la fabrique.
Même s’i rien au départ ne les prédisposait au métier, Elfi Maldonado et Maxime Simard sont devenus des artisans hors pair du chocolat. Mus par un amour indéfectible qui les guide, ils sont parvenus à opérer un commerce plus juste et à extraire la quintessence d’un cacao ancestral pur… C’est si facile de tomber en amour avec Qantu!
Qantu : une histoire d’amour et de chocolat
2023-02-14
ISABELLE NEASSENS
7 minutes

« Le chocolat est bien évidemment la matière dont sont faits les rêves ». Les rêves d’une jeune femme Péruvienne, Elfi, et de celui qui allait devenir son mari, Maxime. Ensemble, ils ramèneraient un peu de son pays à elle, ici. Ensemble, ils allaient créer Qantu, une toute petite fabrique de chocolat qui remporterait les plus prestigieuses distinctions. Ils révèleraient la nature authentique du cacao. Et ils allaient redorer le blason des cultivateurs de fèves, en devenant l’un des rares artisans chocolatiers à faire du véritable commerce direct. Une belle histoire d’amour et de chocolat.
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