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Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.
ISABELLE NEASSENS
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REPRENDRE! OUI, MAIS QUEL CHEMIN CHOISIR?
Le repreneuriat vous intéresse?...


AFFAIRES & ÉCONOMIE

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AVOIR LA VINGTAINE ET RACHETER CAPITAINE HOMARD...
Le repreneuriat peut s’avérer un processus complexe et long comme il peut se révéler simple...


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Donner le temps au temps
« Ce que je voulais, c’était une période de cinq ans pour apprendre les rouages du métier et maîtriser toutes les tâches », annonce Anne Barrette, maintenant solide dans sa nouvelle fonction de propriétaire-dirigeante de Fromage au Village. Pourtant au départ, elle n’avait pas voulu se tailler une place dans l’entreprise familiale, place qui se résumait à donner un coup de main les jours fériés. Sitôt grandie, elle avait fait comme son frère et sa sœur, et avait quitté le village pour apprendre la radiologie à l’Université Laval. Elle avait travaillé à l’hôpital pendant cinq ans, en comblant des horaires dans un Mike’s. Anne, travaillante et motivée, s’était même vu offrir la relève du restaurant. Un tournant, un déclic, pour celle qui a alors réalisé que ni le milieu hospitalier ni la franchise ne lui permettrait de s’épanouir.
« Qu’on me propose de reprendre une affaire, ça m’a réveillé, confie-t-elle. De leur côté, mes parents s’essoufflaient et parlaient de transférer les rênes. J’étais prête à réaliser des projets et ils me laissaient la place pour le faire ». Anne est restée un an de plus à l’hôpital, le temps de trouver le financement, et est devenue actionnaire majoritaire en 2016.
Une transition graduelle, non sans heurts
Les parents de Anne ont fait l’acquisition d’une ferme laitière dans les années 1990, et ont démarré la fromagerie en 1996. Son père Christian, agronome de formation, s’occupe des finances. « C’est notre « péteur de dreams« ! lance Anne à la boutade. Mais heureusement qu’il est là, parce qu’il nous enligne pour que nos projets soient rentables ». Sa mère Hélène est très présente dans la gestion quotidienne de l’entreprise, ce qui n’est pas sans causer des frictions. « On est très proches mais on reste professionnelles devant les employés, assure Anne. Par contre, quand on se chicane, la ligne devient floue entre l’amour et les affaires. Et si la mésentente au bureau tombe le jour de la fête des mères, elle s’attend quand même à un cadeau! » . La jeune propriétaire en rit, mais elle avoue aussi que ce n’est pas évident.
« Je suis allée suivre le programme Émergence de l’École d’Entrepreneurship de Beauce. Sur 21 élèves, on était 15 issus de la relève, et il n’y en avait pas un qui trouvait ça facile! On cache souvent les difficultés du transfert familial parce que c’est important pour l’image de l’entreprise, et parce qu’on veut rassurer nos employés. Voir que je n’étais pas la seule m’a apaisé ». Anne, comme bien d’autres, est passé par des séances de thérapie avec sa mère pour apprendre à mieux gérer.
Aujourd’hui, elles évoluent côte à côte dans l’entreprise avec plus de fluidité. « Récemment, un de nos employés a eu un accident de voiture, raconte-t-elle. On s’est pris dans nos bras comme une mère et sa fille, pas comme de simples associés. Ça a ses avantages aussi ». Hélène a graduellement délégué ses fonctions : d’abord la production de fromage, un long apprentissage de deux ans, et petit à petit la gestion des clients et des ressources humaines, la comptabilité, le développement de produits et le contrôle de la qualité. « J’ai récupéré toutes les tâches dans le délai que je m’étais fixé, explique Anne. Ma mère travaille maintenant trois jours par semaine et elle ne se concentre que sur ce qu’elle aime, le marketing, ce qui lui permet de bien le faire. Grâce à elle, on a développé pleins de nouvelles initiatives ».
Croissance et opportunités
Depuis que Anne est aux commandes, l’entreprise a triplé son chiffre d’affaires. La croissance est de 10 à 15% par année. Le nombre d’employés est passé de 12 à 25 et Anne recrute actuellement deux personnes en France et une au Maghreb pour combler la pénurie de main d’œuvre locale. Il y a eu aussi un investissement de 1.5 million $ pour de nouvelles installations pour répondre à la demande grandissante. La possibilité de production a quadruplé. Il y a plus de chambres de vieillissement pour créer de nouveaux fromages, une boutique en magasin (et une en ligne), et un espace pour les gelatos, une nouveauté cette année. « En 2020, on a pratiquement transformé un million de litres, objectif que l’on va dépasser cette année, se réjouit la nouvelle propriétaire. C’est sûr que la relève a propulsé les projets, ma mère ne se serait pas embarquée dans le déménagement pour grossir la production. Mon plan de certification biologique aussi est en train de se concrétiser pour la fin de l’été ».
Rayonnement et agrotourisme
Anne, habituée aux foires gourmandes et autres kiosques de promotion, assure aussi le rayonnement de la fromagerie à l’extérieur du Québec. Elle était à Toronto récemment : « dans les enclaves franco-ontariennes, notre fromage en grain fait fureur, alors on continue de développer! Je suis même allée avec le frère Patrick de la fromagerie de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac à New York trouver des promoteurs américains pour nos produits québécois. C’était trop drôle de se promener à Times Square avec lui et rire de tout le vice qu’il voyait partout! ».
Anne a du plaisir à vendre ses produits qui sont d’ailleurs dans toutes les épiceries de la province. Elle a aussi créé des partenariats avec des artisans locaux et leur fait une place de choix dans sa boutique.
Autre initiative qui met la fromagerie au cœur des projets d’agrotourisme de la région : la pièce de théâtre estivale « De village en fromage » qui fourmille d’anecdotes locales et amène le visiteur, juché sur un des vélos électriques qu’a offert Tourisme Québec, a goûter différents fromages dans plusieurs lieux de la carte interactive. « C’est un projet artistique qui ravit ma mère, elle est trop heureuse de se déguiser pour l’occasion! sourit Anne. C’est surtout un investissement en temps. Elle est emballée et on met notre entreprise et notre région sur la map! ». Tous les mercredis, c’est la comédie à la fromagerie du village de Lorrainville.
Le fromage au village : une relève témiscamienne pleine d’entrain
2021-07-22
ISABELLE NEASSENS
6 minutes

La jeune Anne Barrette a repris la fromagerie familiale de Lorrainville, un petit village du Témiscamingue dont elle brandit fièrement l’étendard. Ce n’était pourtant pas dans ses plans, mais depuis son arrivée, l’entreprise croît plus que jamais. Fondée il y a 25 ans, elle est aujourd’hui un incontournable dans la région. Discussion inspirante avec une entrepreneure de la relève motivée.
Le Cru du Clocher, le Cendré de Notre-Dame, le Diable aux Vaches : pâtes molles ou croûte lavée, cheddar de lait cru ou fromage en grains frais, les produits artisanaux que sublime Anne Barrette dans ses mots aux accents du Témiscamingue voyagent à travers le Québec jusqu’en Ontario. La journée de notre entretien, la jeune femme signait la balance restante pour être propriétaire à 100% de l’entreprise familiale. C’est sur le vélo électrique qu’elle venait de recevoir le matin même de Tourisme Québec, pour son projet de théâtre et rallye villageois, qu’elle allait se rendre chez le notaire.
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