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Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.
ISABELLE NEASSENS
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« Ce n’est pas parce que tu es un entrepreneur noir que tu n’as pas accès à du financement. C’est la complexité de la diversité, les freins à plusieurs niveaux qui, multipliés ensemble, font en sorte que tu pars de beaucoup plus loin ».

Son histoire
Cadleen Désir est sans aucun doute un modèle de réussite, l’incarnation de l’effort et de la détermination. Élevée dans une culture du travail par des parents Haïtiens immigrants qui étaient repartis de zéro pour devenir notaire et entrepreneur, la jeune femme a appris très tôt à se relever les manches, à croire en ses rêves et à foncer : « N’écoute pas les gens qui disent que tu ne peux pas, que c’est impossible. Sky is the limit ».
Démarrer une entreprise dans le fond d’un garage ou d’un sous-sol, plusieurs l’ont fait. Le père de Cadleen, d’ailleurs. Et elle aussi. Elle se souvient encore de ces soirs où la fratrie terminait l’école et partait pour la manufacture. Elle cousait des épaulettes dans les chemises et repassait les vêtements avant de s’endormir sur le chemin du retour. « Ce n’est pas comme si on avait une longue histoire d’affaires, un patrimoine transmis de génération en génération sur lequel compter. La diaspora a vécu d’autres enjeux, on devait se sortir de la pauvreté d’abord. Mes parents ont toujours créé leurs possibles ».
« J’ai démarré mon entreprise avec 500 $ sur ma carte de crédit, se rappelle-t-elle. Alors que j’étais en arrêt de travail en 2006, j’ai découvert que j’étais enceinte. Mes parents m’ont poussé à me lancer dans le projet d’affaires qui me tenait à cœur. Ma mère m’a prêté un local. J’avais neuf mois pour faire de l’argent ! Mon chum était aux études. Subvenir aux besoins de ma famille a été un puissant motivateur. Trouver une façon d’être en cohérence avec mes valeurs aussi. Parce qu’être entrepreneure, c’était me permettre de créer mon propre chemin, d’opérer moi-même le changement que je voulais voir dans la société. En trois mois, j’avais six employés et le vent dans les voiles ».
Aujourd’hui, Déclic emploie plus d’une vingtaine d’experts en santé et en éducation. Sa raison d’être ? Faire briller le potentiel des enfants et ceux qui gravitent autour d’eux. Son entreprise, qui accompagne les enfants ayant des besoins particuliers, est devenue une référence dans son domaine. La fondatrice a récemment guidé son équipe dans le virage vers une entreprise libérée, une forme de gestion inclusive et décentralisée, qui lui a valu moult éloges. Se libérer pour mieux rayonner, telle est la devise de Cadleen Désir, qui résonne au-delà de sa propre entreprise.
Réalités et défis de financement
On a parlé du manque de garantie, de capital et d’historique de crédit. Selon une étude de 2021 de la Chambre de commerce noire du Canada effectuée en partenariat avec la Banque de développement du Canada, 71 % des propriétaires noir·e·s ont autofinancé leur entreprise. Des chiffres qui confirment que l’accès au financement est le principal obstacle. Et les facteurs qui l’expliquent sont nombreux.
Parlons de la méconnaissance des réalités. « Les institutions sont frileuses quand on leur présente des produits exotiques qu’elles ne connaissent pas ou un salon de coiffure pour les cheveux crépus, par exemple. Elles ne sont pas au courant du marché et du levier que l’entrepreneur·e peut aller chercher en termes de ventes ».
Il faut donc partir d’encore plus loin pour convaincre. Selon l’étude citée ci-haut, seuls 30 % des entrepreneur·e·s noir·e·s se disent à l’aise de discuter de leurs options de financement avec leur institution financière.
« Moins le bailleur de fonds a de similitude avec la personne en face de lui, plus il va être pris dans ses biais. Ne serait-ce qu’un accent différent, c’est un frein de plus. L’entretien devient moins agréable, moins fluide. On rentre dans les questions clichées, sans rapport avec le projet dont on veut parler. Une distance s’installe, qui empêche de connecter sur le plan humain, de faire de l’humour peut-être, ou d’avoir des conversations d’affinités ». Et le cycle de méfiance se poursuit : l’entrepreneur·e, qui se sent jugé(e), se retrouve sur la défensive, laquelle est perçue comme quelque chose à cacher. Au fur et à mesure, la confiance s’effrite.

« Le besoin d’un réseau sur lequel s’appuyer et bâtir sa confiance est criant. Mais comment faire pour avoir un réseau lorsque tu es confronté à des obstacles constants ? On réalise aujourd’hui que les entrepreneur·e·s de la diversité ont moins d’alliés et moins de modèles. »
Le manque de représentativité dans un monde des affaires homogène semble évident : « Quand on veut parler de diversité au Québec, et qu’on cherche une image d’entrepreneur noir, de femme par surcroit, ce sont toujours les mêmes qui reviennent. On est quatre au Québec : Vickie Joseph, Dorothy Rhau, Déborah Chèrenfant et moi! On a besoin d’élargir ! »
« Ce n’est pas normal que ce soit encore si difficile pour un·e entrepreneur·e noir·e d’avoir accès au financement, conclut Cadleen. On en vient à se questionner soi-même sur ses capacités. Pourtant, je sais que je suis capable de pitcher, que je communique bien, que j’ai du charisme et que mon projet tient la route. On en vient à se culpabiliser, c’est fou comme c’est corsé et complexe l’accès au financement pour les personnes de la diversité ! En parler pour que tout le monde réalise vraiment que c’est un non-sens est important, pour que le nœud se défasse enfin. »
Depuis quelques années, les deux paliers gouvernementaux multiplient les programmes et les mesures afin de mieux soutenir les entrepreneurs de la diversité. Evol a d’ailleurs reçu des appuis significatifs afin d’offrir du financement et de l’accompagnement aux entreprises à propriété diversifiée et inclusive. L’organisation a aussi dressé une liste des organismes de soutien oeuvrant auprès des entrepreneur·e·s noir·e·s. « Nous devons les soutenir et les accompagner à toutes les étapes, du démarrage jusqu’à la croissance. Et pour se faire, je crois que les institutions financières doivent pouvoir se doter de moyens et des ressources pour y parvenir pleinement. »
Financement des entrepreneur·e·s noir·e·s | « Plus complexe qu’il n’y paraît »
2022-02-24
ISABELLE NEASSENS
6 minutes
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Bien que la diversité et l’inclusion soient un des sujets de l’heure, nous constatons qu’ il y a encore bien du travail à faire. C’est le cas notamment lorsqu’on regarde la situation chez les entrepreneur·e·s noir·e·s et plus spécifiquement, au niveau de l’accès au financement. Nous en avons d’ailleurs parlé avec Cadleen Désir dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs. Fondatrice de Déclic, présidente du conseil d’administration d’Evol et entrepreneure engagée, Cadleen s’illustre parmi la communauté d’affaires québécoise avec un aplomb empreint d’humanisme et chargé d’espoir. Voici ce qu’elle pense des défis actuels.
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