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Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.

ISABELLE NEASSENS

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À 22 ans, Jean-François Lacasse ouvrait son bureau d’avocat en droit privé sur la Rive-Sud de Québec avec, dans ses tripes, un désir immense de faire une différence. « Je me voyais défendre des causes comme Erin Brockovich!, raconte-t-il. Dans ma tête, c’était ça le droit ». Mais la réalité du métier l’a frappée de plein fouet. D’un procès à l’autre, il s’est vite désillusionné.


« J’avais la nausée le matin rien qu’à penser qu’il fallait que je me rende au palais de justice, confie-t-il. C’est un grand rêve brisé ».



Faire une différence, autrement

Constatant dans sa pratique que plusieurs maîtrisaient mal les rudiments budgétaires, il s’est réorienté. « Repartir de zéro après avoir perdu huit ans de ma vie, ça n’a pas été évident », admet-il. La perception de descendre d’un piédestal et le jugement des autres lui ont pesé lourd. Après s’être formé, il est devenu conseiller financier. « J’avais réussi à transposer mon désir de faire une différence dans cette carrière », explique-t-il. Encore une fois, son bateau a chaviré. « Avec la crise économique de 2008, je n’arrivais plus à orienter mes clients. J’en ai eu assez de l’entrepreneuriat. J’étais épuisé de me battre dans le vide pour avancer ».

Jean-François a alors flirté un moment avec la déprime, un sentiment de ne pas être à sa place. Il a alors sauté le pas vers le salariat, dans une institution solide. « Chez Desjardins, ils ont vu mon potentiel, j’étais enfin reconnu. Ils ont soufflé de l’air sur mes ailes et j’ai gravi les échelons ». Un poste s’est ouvert en développement des affaires. Ses clients? Des entrepreneurs! « Je comprenais leur langage, j’aimais écouter leurs histoires de réussite et de défis. Leur planificateur financier était aussi passé par là». La flamme s’est rallumée. Pendant plus de dix ans, Jean-François a foncé.



…droit dans le mur

Entre temps, sa vie personnelle vacillait : le deuil non guéri de son père, une relation conjugale qui battait de l’aile, une belle-famille en crise. « Le JF qui veut aider tout le monde pour qu’on l’aime brandissait son étendard et jouait au sauveur, mais moi je m’oubliais, avoue-t-il. Je refoulais tout. Une assiette mal placée dans le lave-vaisselle me rendait fou. Un rien m’irritait, je pétais des coches ».

Jean-François s’est saoulé de travail et a fui ses émotions. « Je me suis auto-piégé dans la performance. Et personne ne m’a arrêté ». Un rendez-vous chez son médecin a confirmé qu’il était en dépression majeure. Le mois suivant, il était isolé, et en lambeaux. L’image du parfait go-getter venait de se déchirer, et avec elle une grande partie de sa confiance. Tout était à rebâtir.


«Cet arrêt forcé m’a sauvé la vie, confie-t-il, la gorge nouée. Je devais regarder les choses en face. ».


Un tournant majeur

À la fin de cet été-là, un événement marquant le sort des vapes : ses retrouvailles avec sa fille née 25 ans plus tôt, Alexandra, sur le quai du même nom dans le Vieux-Montréal. « Ça faisait des années que j’essayais de la rencontrer, j’étais entré en contact avec sa mère qui l’avait élevée seule. On se serait cru comme dans un film. Le début de mon processus de réconciliation avec moi-même a commencé à ce moment-là ».


Serein, il a rompu sa relation qui ne tenait plus qu’à un fil et est retourné travailler. « Tout le monde trouvait que j’avais l’air bien ». Alors qu’il passait ses premières vacances de Noël en solo, eurêka! « Au spa, j’ai attrapé un bout de papier et j’ai noté : Atterrissage forcé = Dépression. J’ai fait un brainstorming autour de métaphores aériennes sur la détresse psychologique. Au lieu de passer ma semaine suivante dans le Sud accoudé au bar, j’observais les gens et j’écrivais. Je suis revenu avec 150 pages ». Le futur webpreneur venait de développer sa conférence, Mayday : y a-t’il encore un pilote dans l’avion?


En mars 2019, Jean-François racontait pour la première fois son crash lors d’un événement public. « Ma prise de parole avait été pêle-mêle, mais quelles réactions! Je tenais quelque chose ». Il avait trouvé son créneau. Il a alors contacté la Fondation Cervo afin de s’associer à un centre de recherche connu en santé mentale et a promis de remettre l’ensemble des profits de sa conférence. Salle comble en septembre et une supplémentaire. « Depuis, je n’ai jamais regardé en arrière  ».



Fin 2019, il demandait un congé sans solde de trois mois pour écrire. «  J’occupais un poste important avec 20 % des objectifs d’épargne de la succursale sur mes épaules, alors mon gestionnaire a refusé. Mais je n’allais pas retomber. Quelques nuits sans sommeil plus tard, je suis rentré dans le bureau du grand boss et j’ai dit : je m’en vais ». Son départ? Le 14 février 2020, une date voulue: « Je me choisis! ».




Un entrepreneur sur son X au service des autres

Quelques semaines plus tôt, Jean-François lançait la communauté d’entraide et de partage de ressources Mayday! M’aider, entouré d’ambassadeurs connus. « Un départ canon, avec plus de 100 000 visiteurs sur mon site! », se réjouit-il. Il crée ensuite des ateliers personnalisés et de team-building, dont le Projet Pilote, un programme de transformation préventive fondé sur les piliers de la santé globale. La pandémie lui fait perdre ses contrats de conférencier en entreprise, mais le motivateur, plus passionné que jamais, concentre ses efforts sur le web: « Je souhaite inonder les réseaux sociaux avec mon histoire, sensibiliser les équipes, déstigmatiser le sujet, et démocratiser l’accès aux outils de prévention ».


Ses recherches confirment son intuition. « J’ai demandé à mon ex-PDG quel était le pourcentage d’employés en invalidité à court terme. Il m’a répondu : de 10 à 12 % par année, environ 5000 salariés, dont la moitié en santé mentale ». Les chiffres s’additionnent vite dans la tête de l’ex-conseiller financier. Il multiplie par le nombre d’entreprises au Québec et comptabilise l’étendue des coûts pour la société. « On n’en parle pas, par peur du jugement. Personne n’ose pointer l’éléphant de la pièce. Pas surprenant que les cas de détresse psychologique et d’épuisement professionnel augmentent ».


Pour bâtir sa notoriété et sa crédibilité, celui qui écrira bientôt un livre et rêve de devenir le Pierre Lavoie en santé mentale au Québec s’entoure de spécialistes de l’approche globale. « Je ne suis pas un psychologue ou un expert, rappelle-t-il. Je parle uniquement par expérience. Quand tu as vécu une dépression, tu ne veux pas que ça revienne. Les dommages collatéraux sont immenses. Je ne le souhaite à personne. Mon histoire peut changer la trajectoire de quelqu’un d’autre ».

Entreprendre pour prévenir ensemble le crash émotionnel

2021-05-07

ISABELLE NEASSENS

6 minutes

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Personne n’est à l’abri de la dépression. Jean-François Lacasse était loin de se douter qu’il en ferait un jour les frais. Homme de cœur au service des autres, avocat puis conseiller financier, il avait tout pour être heureux. Entrepreneur dans l’âme, son parcours de vie l’a mené à bâtir des ateliers, des conférences et la communauté d’entraide Mayday! M’aider! pour prévenir la détresse psychologique.

À PROPOS DE L’AUTEUR(E)

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