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L'Exil : Quand Tout S'Effondre
La véritable genèse de cette épopée ne commence pas dans les boutiques de luxe, mais dans les ruelles parfumées de Fès, en 1939. Aldo naît dans une famille de cordonniers prospères. Son grand-père façonne des chaussures en Algérie, son père Émile dirige des magasins florissants à Fès, Casablanca et Rabat. L'enfance d'Aldo baigne dans cette atmosphère de réussite commerciale où se mélangent les odeurs de cuir tanné et les épices des souks.
Mais en 1956, l'indépendance du Maroc provoque un séisme. À 17 ans, Aldo assiste impuissant à l'effondrement de l'empire familial. Les magasins ferment, les réseaux commerciaux tissés sur trois générations se délitent en quelques semaines. La famille doit tout quitter.
Le voyage vers la France ressemble à un exode. Sur les ponts bondés, Aldo découvre la précarité : familles chargées de bagages hétéroclites, enfants qui pleurent, parents qui cachent leur angoisse. L'arrivée sur la Côte d'Azur révèle une réalité cruelle : camps de transit, baraquements, files d'attente interminables.
Pour Émile Bensadoun, l'humiliation est totale. Cet homme qui dirigeait un commerce florissant se retrouve à faire la queue pour des bons alimentaires. La famille rejoint finalement un oncle à Saint-Gaudens, où l'odeur de cellulose des usines de papier remplace à jamais les parfums de l'enfance marocaine.
Cette chute sociale forge chez Aldo une détermination farouche. Il observe son père courber l'échine, sa mère compter chaque centime. Ces images s'impriment comme autant de promesses : jamais il ne connaîtra cette humiliation, jamais il ne dépendra de la charité d'autrui.
Mais Émile garde intact un rêve : l'éducation de ses enfants. Convaincu que le savoir est la seule richesse inaliénable, il sacrifie ses dernières économies pour envoyer Aldo au prestigieux lycée Henri-IV à Paris. Cette décision marque la fin de l'exil et le début de la renaissance.
De McGill aux Premières Étagères : La Vision Contre Vents et Marées
L'excellence scolaire d'Aldo lui ouvre les portes de Cornell University, puis de McGill à Montréal. Coup de foudre pour cette ville bilingue où il ressent intuitivement qu'il pourra tester ses futures innovations avant de les déployer mondialement.
En 1972, après une déception professionnelle, Aldo prend une décision radicale. Il fonde sa propre entreprise avec une devise simple mais puissante : "amour, respect, intégrité". Son capital ? 1000 dollars, un prêt de sa belle-mère. Ses "boutiques" se limitent à trois étagères de six pieds louées dans les magasins Le Château. Il stocke ses chaussures dans un entrepôt où il doit lutter contre les rats et les infiltrations d'eau.
La situation devient si précaire qu'Aldo doit réhypothéquer sa maison pour payer ses fournisseurs. Mais cette contrainte forge déjà l'innovation qui fera sa fortune. Plutôt que de passer par des grossistes, il dessine lui-même ses modèles et se rend personnellement en Italie pour trouver des artisans capables de les fabriquer. Cette désintermédiation révolutionnaire lui permet de proposer des chaussures de qualité à 40% moins cher que la concurrence.
Le Coup de Génie : 500 000 Sabots et la Naissance d'une Légende
Le fameux sabot suédois vintage Aldo des années 1970, avec sa semelle en bois et son cuir noir clouté. Ce modèle révolutionnaire, vendu à 19,95$ chez Le Château, a généré les premiers millions de l'empire : plus de 500 000 exemplaires écoulés entre 1972 et 1980. Il incarnait parfaitement l'esprit flower power de l'époque tout en étant adapté au climat canadien. (Crédit : Collection vintage eBay)
Au début des années 1970, imprégné de l'esprit flower power, Aldo observe une tendance émergente en Europe : les sabots à semelles de bois portés par les jeunes hippies. Son instinct lui dit que cette mode va traverser l'Atlantique. Il adapte le modèle pour le Canada, négocie avec ses artisans italiens, et lance le produit chez Le Château au prix de 19,95 dollars.
Le succès est fulgurant. Entre 1972 et 1980, plus de 500 000 exemplaires sont vendus, générant plusieurs millions de dollars de revenus. Ce sabot suédois modifié devient la première pierre de l'empire Aldo et révèle déjà le génie du futur magnat : identifier les tendances émergentes, les adapter rapidement et les monétiser massivement avant la concurrence.
L'Expansion : De Montréal à la Conquête du Monde
Le succès des sabots permet à Aldo d'ouvrir son premier magasin indépendant en 1979 rue Sainte-Catherine. C'est le premier Aldo d'un réseau qui compte aujourd'hui plus de 3000 points de vente.

Un magasin Aldo contemporain au Beverly Center de Los Angeles. L'esthétique épurée et l'éclairage soigné reflètent l'obsession du détail d'Aldo Bensadoun : chaque élément, de la musique à l'éclairage, est conçu depuis le siège social montréalais pour créer une expérience client uniforme dans le monde entier. (Crédit : Beverly Center)
L'expansion suit une logique rigoureuse. D'abord le Canada dans les années 1980, puis le test du marché américain en 1982. La véritable révolution arrive en 1995 avec le lancement de l'expansion internationale via des partenaires franchisés. Ce modèle génial permet à Aldo de conquérir des marchés sans investissement massif : les franchisés financent l'expansion pendant qu'Aldo encaisse les royalties et contrôle la marque.
L'intérieur d'un magasin Aldo à Tampa, illustrant la philosophie retail du groupe : "faire d'un grand magasin un endroit qui se sent petit", selon les mots de David Bensadoun, CEO actuel. Chaque détail est pensé pour créer une expérience émotionnelle et favoriser l'achat impulsif. (Crédit : International Plaza)
Résultat : présence dans plus de 100 pays, du Vietnam au Qatar, de la Corée du Sud à l'Indonésie.
La Machine à Innovation : 30 000 Modèles par An
Le secret d'Aldo ? Sa vitesse de réaction révolutionnaire. Pendant que ses concurrents mettent 20 semaines pour sortir un nouveau modèle, lui n'en met que 5 à 12. Ses stylistes arpentent les capitales de la mode, épluchent les magazines, courent les défilés. Dès qu'ils flairent une tendance, la "machine" Aldo se met en marche.
Résultat : 30 000 modèles de chaussures créés par année. Un contrôle minutieux de chaque détail : la musique dans les magasins est choisie au siège social, l'éclairage conçu pour révéler les moindres détails d'un talon. Même pour les franchisés du Moyen-Orient, c'est depuis Montréal que se décide l'allure des vitrines.
Tous les dimanches, Aldo consulte le relevé des ventes de chacune de ses succursales, mesurées à l'heure près. Ses objectifs de vente, calculés au pied carré, sont deux fois plus élevés que ceux des autres détaillants du secteur.
L'Empire Financier : Les Chiffres d'une Réussite Exceptionnelle
Aldo Bensadoun tel qu'il apparaît dans le classement Forbes des milliardaires mondiaux. Sa fortune de 1,1 milliard de dollars (2020) le classe au rang #1851 mondial, témoignage de la transformation d'un capital de départ de 1000 dollars en empire planétaire. (Crédit : Forbes)
Les chiffres actuels donnent le vertige. Fortune personnelle de 1,1 milliard de dollars selon Forbes (2020), classée #1851 mondiale. Revenus de 1,5 milliard de dollars en 2019. Plus de 3000 magasins dans le monde. 26 marques actives sous le groupe.
Le modèle de production illustre cette efficacité : 83% de la production réalisée dans 40 usines appartenant à 23 fournisseurs, principalement en Chine. Cette concentration permet des économies d'échelle massives tout en maintenant un contrôle qualité strict.
Les Défis Récents : Résilience et Adaptation

L'ancien siège social spectaculaire d'Aldo au 2300, rue Émile-Bélanger à Saint-Laurent, abandonné en 2020 lors de la restructuration. Ce "campus" de 300 000 pieds carrés avec ses œuvres d'art et ses installations récréatives symbolisait l'apogée de l'empire avant la crise de la COVID-19. (Crédit : CityNews Montreal)
Même les empires les plus solides ne sont pas à l'abri des tempêtes. En mai 2020, l'entreprise s'est placée sous la protection de la LACC avec des dettes de 473 millions de dollars. Cette restructuration a entraîné 384 licenciements et la fermeture de 290 magasins, mais 569 points de vente ont pu rouvrir.
Parallèlement, Aldo a dû abandonner son majestueux siège social de 300 000 pieds carrés pour s'installer dans un immeuble plus modeste au 905, rue Hodge à Saint-Laurent. Ironie du sort : cet immeuble appartient à une société de portefeuille d'Aldo lui-même, illustrant sa capacité d'adaptation légendaire.

Le nouveau siège social d'Aldo Group au 905, rue Hodge à Saint-Laurent, plus modeste mais symbolique de la résilience de l'entreprise. Propriété d'une société de portefeuille d'Aldo Bensadoun, ce bâtiment illustre sa philosophie : s'adapter aux circonstances tout en gardant le contrôle de son destin. (Crédit : Ædifica Architecture)
L'Homme Derrière l'Empire : Valeurs et Transmission
Malgré sa fortune colossale, Aldo Bensadoun reste fidèle aux valeurs forgées dans l'adversité. Dès 1985, quand le SIDA était encore tabou, il s'engage dans la lutte contre cette maladie. Plus de 10 millions de dollars ont été versés à différents organismes de bienfaisance.
Il attribue ce sens aigu des affaires et ses valeurs profondes à son éducation et à son héritage juif, notamment le concept de "Tikkun Olam" (réparer le monde). Cette philosophie, transmise par des générations de marchands habitués aux persécutions, nourrit sa conviction que la réussite n'a de sens que si elle sert à améliorer le monde.
En 2017, Aldo transmet officiellement les rênes opérationnelles à son fils David, qui dirige désormais l'entreprise en tant que CEO. David, qui avait rejoint l'entreprise en 1996, représente la quatrième génération de la famille dans le commerce de la chaussure.
Sa plus grande fierté ? Le don exceptionnel fait à l'Université McGill pour créer la "Bensadoun School of Retail Management", matérialisant sa conviction que l'éducation reste la seule richesse inaliénable.
L'Avenir d'un Géant
Aldo évolue dans un marché mondial de la chaussure pesant plus de 700 milliards de dollars en 2024, avec une croissance prévue de 5% par an jusqu'en 2032. L'introduction de technologies comme Pillow Walk et les partenariats avec Authentic Brands Group pour Brooks Brothers et Hunter ouvrent de nouveaux segments haut de gamme.
Épilogue : L'Héritage d'un Visionnaire
Aujourd'hui, les mots croisés du New York Times consacrent sa réussite. Pour la définition "roi de la chaussure" en quatre lettres, une seule réponse : Aldo.
Quand on lui demande s'il a déjà eu le sentiment d'avoir "réussi", Aldo répond invariablement : "Jamais. Je n'ai jamais dit cela." Cette modestie cache une quête incessante d'excellence.
De Fès à Montréal, du petit garçon déraciné au bâtisseur d'empire, l'histoire d'Aldo Bensadoun prouve qu'avec une vision claire, une détermination forgée dans l'adversité et des valeurs humanistes inébranlables, on peut transformer 1000 dollars en un empire de plusieurs milliards.
Son histoire nous enseigne que le succès ne se mesure pas seulement en chiffres, mais en la capacité à transformer les épreuves en opportunités, à rester fidèle à ses valeurs et à laisser un héritage qui continuera de faire marcher le monde, une chaussure à la fois.
Sources : Forbes (2020), La Presse (2019, 2020), Ordre de Montréal, données financières Aldo Group.
De 1000 Dollars à un Empire Mondial : L'Épopée d'Aldo Bensadoun
2025-08-27
HENKEL
5 minutes

Aldo Bensadoun, 86 ans, président du conseil d'administration du groupe qui porte son nom. De réfugié marocain à magnat milliardaire, son parcours illustre la version québécoise du rêve américain. (Crédit : Business of Fashion)
MONTRÉAL, QC – En 1972, dans un entrepôt infesté de rats, un homme de 33 ans stockait vingt modèles de chaussures sur trois étagères louées. Il n'avait que 1000 dollars en poche et un rêve fou : révolutionner l'industrie de la chaussure. Ce visionnaire, c'était Aldo Bensadoun, et son audace allait transformer cette précarité en un empire de 1,1 milliard de dollars. Aujourd'hui, à 86 ans, président du conseil d'administration du groupe qui porte son nom, il règne sur plus de 3000 magasins dans 100 pays. Mais derrière ces chiffres vertigineux se cache une histoire profondément humaine : celle d'un réfugié marocain qui a transformé chaque épreuve en tremplin, chaque humiliation en détermination.
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