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Rédactrice, analyste, critique, Isabelle Naessens est une femme réfléchie, engagée et versatile qui a œuvré en relations internationales avant de se tourner vers la communication. Stratège relationnelle créative, elle se joint à l’équipe de Henkel Média en tant que rédactrice principale et créatrice de contenus.
ISABELLE NEASSENS
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« Je ne suis pas le train, je suis la locomotive. Après, le message me dépasse. Je ne suis qu’un outil pour le faire entendre ». Adèle Blais semble être au cœur d’un mouvement récent : il y a en librairie jeunesse, de plus en plus d’ouvrages illustrés sur les femmes inspirantes de l’histoire. Mais, qu’elle en soit l’instigatrice ou la partie d’une manifestation collective du moment, Adèle porte en elle l’humilité de ceux qui savent mettre leur art au service de plus grand qu’eux. Simone de Beauvoir, Camille Claudel, Maria Callas, Jane Austen, Coco Chanel : les voix inentendues sont nombreuses et l’artiste, inspirée, est prolifique. Adèle colle des petits bouts de textes, superpose des couleurs et des textures acryliques pour raconter des parcelles de vie intimes et tragiques que la grande Histoire n’a pas su révéler.
Laisser son empreinte, une histoire de famille
Si le parcours académique d’Adèle ne laissait rien présager d’exceptionnel, son histoire personnelle ne pouvait faire autrement que de mettre l’art sous ses doigts afin qu’elle puisse, elle aussi, laisser une trace qui provoque et fait réfléchir. Sa grand-mère Claire Rochon, affirmée et rebelle, a été la première femme en politique dans une ville du nord de l’Ontario. Un de ses oncles a été ministre de la Défense sous Pierre-Elliott Trudeau. Un autre, Jean-Éthier Blais, a été un diplomate et un homme de littérature influent au Québec. « Il y a une veine politique forte qui me traverse, une passion pour les chamboulements de l’histoire et de la société.
« L’art était omniprésent. Claire, la politicienne qui avait du front tout le tour de la tête, celle qui faisait face aux hommes assis de l’autre côté de la table municipale, était aussi peintre. Devenue presque aveugle, elle a continué à peindre et à se promener à vélo dans les rues d’Ottawa, c’était toute une femme! » Adèle, artiste jusqu’au bout des ongles, incarne la détermination farouche de sa lignée à débroussailler le chemin pour qu’il soit porteur de changements.
Vendre et se vendre, au service de l’art
Dans la famille d’Adèle, il y avait aussi des commerçants. « J’ai naturellement un esprit entrepreneur, explique celle qui a été vendeuse et serveuse pendant 20 ans. Je suis capable de tout vendre, des souliers jusqu’aux œuvres d’art! Je parle, j’explique, j’entre en relation. Aujourd’hui, quand j’expose mes tableaux dans une galerie, j’ai l’impression de les mettre en prison si je ne suis pas là pour les raconter! Et je vois la différence sur les ventes ».
Une verve qu’elle a su mettre au service de son art, une fois convaincue de la portée de son talent. Quand les passants, subjugués, ont commencé à s’arrêter pour coller leur nez devant les vitrines de l’atelier montréalais qui lui est offert par un premier mécène (Nicolas Thibault), quand elle s’est vue signer des autographes dans un festival, quand le directeur d’une grande maison de production, charmé, l’a invité sur un plateau de télé, alors ses ailes se sont mises à pousser. « Il s’était passé quelque chose. J’avais réalisé que mes tableaux avaient le pouvoir de toucher les gens et de leur faire du bien ». Enfin confiante, elle s’est lancée. Elle est devenue l’idéatrice, l’organisatrice, et la promotrice d’événements fabuleux, sa marque de commerce. « Je me souviens de mon premier vernissage en 2007, se rappelle-t-elle. C’était dans une ancienne banque avec des plafonds immenses et de la musique live. L’imprimé de ma robe était comme mes tableaux ». Les médias ont rapidement saisi l’artiste au vol et se sont occupés de bâtir sa notoriété.
Peindre pour révéler et réveiller
« Avec le recul, je réalise que mes années à travailler auprès du public ont été un passage nécessaire pour comprendre la nature humaine. À quatre heures du matin, dans le fond du bar, tout le monde est sur le même pied d’égalité. C’est génial de créer un espace, à travers l’art, où l’on peut partager nos vies d’écorchés, où l’on peut se dire, en toute vulnérabilité, nos zones d’ombre et de lumière. J’ai appris à m’ouvrir pour que les autres, à leur tour, puissent le faire. C’est ça tracer, ouvrir le chemin. Comme entrepreneure, je désire révéler les faces cachées de l’histoire, mettre dans la société quelque chose de plus grand qui résonne et qui réveille ».
Adèle aime montrer les brûlures, ce qui est lourd à porter, les non-dits étouffés qui méritent d’être entendus. « Ce sont des femmes fortes, rebelles, parfois bafouées, brisées, souvent enfermées, presque toujours mal aimées; d’autres sont plus célébrées, mais avec une part intime qui nous échappe encore, écrit-elle. Saviez-vous que Mileva Einstein, génie scientifique également à l’origine des théories du Nobel de la relativité, a été laissée seule dans la pauvreté avec leur trois fils, dont un schizophrène? Que Hedy Lamarr, inventrice du système de codage pour la transmission du WiFi, du Bluetooth et du GPS, a été discréditée parce qu’elle était une des plus belles femmes au monde dans les années 1930 ? » Les portraits que choisit de mettre en lumière Adèle sont des positionnements politiques qui touchent et qui ébranlent.
Investir et s’investir, par tous les moyens
En 2018, Adèle a eu envie de rassembler les portraits qui avaient été exposés autour du monde pour en faire un livre d’art, plus proche de nous. « J’ai voulu ramasser tous les morceaux du casse-tête. Ces histoires injustes m’avaient tellement mise en colère qu’il fallait que je trouve un autre médium pour les honorer et les faire rayonner auprès du grand public ». Adèle a produit, édité et distribué le recueil « Les sublimes. Hommage aux femmes qui ont osé », dont les histoires sont racontées en poésie par l’émouvante auteure et fine psychologue Nathalie Plaat. « Je me suis énormément investie dans ce projet, financièrement et émotionnellement, mais j’y suis allée de manière intuitive », explique Adèle. Le livre est aujourd’hui en réédition.
Et des supports pour que ses œuvres aient une portée toujours plus grande, Adèle en a créé: des masques sanitaires imprimés jusqu’à des applications techniques innovantes. « Dès 2006, à mes tout débuts, j’ai mis sur pied un site internet, explique Adèle. Ce n’était pas commun à ce moment-là dans mon domaine. Aujourd’hui, je lance une application de réalité augmentée. C’est la technologie de l’avenir : tu vois la texture, le relief, tu peux t’approcher d’encore plus près que dans une galerie. C’est important pour moi de me placer toujours à l’avant-garde ».
Adèle continue d’apprendre à être une entrepreneure au fur et à mesure de ses projets. Leur écho est à chaque fois si puissant qu’ils lui permettent d’avancer toujours plus pour faire entendre des voix longtemps tues que le temps aujourd’hui, sous ses pinceaux, ne peut plus contenir.
Adèle blais | recoller les morceaux pour réparer l’histoire des femmes
2021-08-30
ISABELLE NEASSENS
7 minutes

Cette série met en lumière des artistes entrepreneurs, une combinaison inusuelle à démystifier et encourager. Adèle Blais, une artiste peintre-collagiste, est une entrepreneure intuitive qui a la foi : sa mission est de dévoiler la réalité de femmes surprenantes que l’histoire a bafoué. Ses peintures ébranlent, pavent la voie à d’autres possibles pour la société d’aujourd’hui. Au-delà de ses créations, Adèle Blais produit, édite, et réalise des événements, des livres, une série balado et une application de réalité augmentée qui sort cet automne, à laquelle participent Dominique Michèle, Ingrid Falaise, Christine Beaulieu, Marion Cotillard, et bien d’autres. Voici comment l’artiste a su allier son intelligence créative à celle des affaires.
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